Adieu les 35
heures ?
Aux termes de l'accord signé par la CFDT, FO et CFTC en juin 1999, les salariés de l'ONERA, qu'ils soient cadres ou non, bénéficient d'une vraie réduction de leur temps de travail. Sur une base de 39 heures hebdomadaire, 22 jours et demi supplémentaires de repos ont été dégagés et 103 emplois supplémentaires ont été créés ou maintenus par rapport aux dispositions du plan social alors en vigueur. Seul un sujet d'importance avait été laissé en suspens : celui du contrôle effectif du temps de travail. La CFDT n'a eu de cesse de remettre cette question sur la table, ne serait-ce que pour se conformer à la loi. En effet la loi Aubry renforçait, à juste titre, la nécessité d'un contrôle très strict du temps de travail pour assurer l'effectivité de la réduction.
Après de nombreuses réunions et un arbitrage de l'inspection du travail, la Direction Générale mettait en place en mars 2004 un test sur trois départements DRH, DDSS et DPRS avec une expérimentation de badgeage. Cette expérimentation fait apparaître que la charge de travail moyenne est excessive puisque le cumul débit/crédit des heures de travail est négatif dans 4% des cas mais positif dans 76% des cas. Ce cumul de travail supplémentaire est supérieur à 15 heures dans 34% des cas, supérieur à 50 heures dans 10% des cas, et supérieur à 100 heures dans 1% des cas….. sur une période de seulement 3 mois, dont les mois d'avril et mai, où les jours de congés sont nombreux.
La
direction générale fait valoir le différentiel entre les heures badgées et les
temps déclarés : 71 % des salariés déclarent un temps de travail inférieur au
un temps de présence compris entre 45 minutes et 3 heures, par jour !
·
La direction affirme que ceci vient du fait que ces
salariés vaquent à des occupations personnelles dans l'enceinte de
l'établissement.
·
Les syndicats affirment au contraire, que les
salariés concernés s'autocensurent, volontairement ou non, et minimisent le
temps de travail déclaré dans les infos qu'ils transmettent à la DRH.
Il ressort de l'enquête que 37 % des salariés ont
déclaré que le badgeage était contraignant, mais que seulement 11,43 % des gens
le trouvaient plus contraignant que l'autodéclaratif.
D'autre part, dans 41% des cas, les missions et déplacements ont occasionné des problèmes de décompte du temps de travail correspondant.
Alors que l'accord de juin 1999
était accompagné d'une aide financière de l’état, cette aide prend fin en
octobre de cette année. Tant que cette aide courait, il était quasiment
impossible de modifier en quoi que ce soit les termes de cet accord. Cette
période étant terminée la stratégie de la Direction apparaît maintenant
franchement : faire patienter sous couvert d'enquêtes, d'expérimentation, etc …
l'inspection du travail et les organisations syndicales jusqu'au moment où
enfin elle pensait pouvoir imposer… les
forfaits jours pour les ingénieurs et cadres soit plus des deux tiers du
personnel.
Cette stratégie conduit à
instaurer, par accord d'entreprise, la mise en place d'un tel système et de
"persuader" les personnels concernés de signer un avenant à leur
contrat de travail les alignant sur ce régime.
En pratique, ils devront 218 jours à l'ONERA (217 plus la journée solidarité des anciens) la seule obligation de l'employeur dans ce cadre étant de limiter à 6 jours le travail hebdomadaire et à 13 heures le travail quotidien.
Plus aucune heure supplémentaire à payer….(problème des
temps de trajet en mission résolu), obligation de résultat pour chaque salarié
quelle que soit la charge de travail et
les contraintes rencontrées (ce qui change radicalement les méthodes de travail :
individualisation du travail et de la reconnaissance…). Plus de mesure de temps de travail, plus de thermomètre donc plus de
fièvre !
Pourquoi embaucher dans ces conditions avant d'avoir pressuré le personnel en place ? Ce système, rêve accompli du MEDEF, est déjà en place dans de nombreuses entreprises. Un ex-collaborateur du Ministre Fillon ne peut que tenter de l'imposer dans l'entreprise qu'il préside ! Et ces Messieurs vous diront, la main sur le cœur, qu'ils ne veulent pas revenir sur la RTT !
En ce qui concerne les non-cadres, la Direction propose un système autodéclaratif, sans plus de précision. Au delà du fait qu’on recrée un dispositif différent selon les catégories professionnelles (progrès ou régression ?), il est évidemment à craindre que la souplesse de ce régime soit très faible (ne serait ce que pour inciter les cadres à opter pour le forfait jours). L’absence d’enregistrement automatique rendrait évidemment très difficile la prise en compte des heures supplémentaires à leur réel niveau et laisserait chaque salarié seul face aux pressions directes de sa hiérarchie (forcément plus importantes dans ce nouveau système).
Pratiquement, la
Direction n'a plus maintenant qu’un objectif, c'est celui d'arracher l'accord
d'une ou plusieurs organisations syndicales en espérant que les opposants ne
soient pas majoritaires et n'exercent pas le droit d'opposition que leur donne
la nouvelle loi sur la négociation collective.
Il appartiendra donc bientôt à chacun de se positionner.
Nous n'en sommes pas encore à ce stade, et la CFDT continue de défendre ce qu'elle n'a cessé de mettre en avant depuis plus de cinq ans :
-
Le contrôle et l'enregistrement du
temps de travail de tous les salariés non soumis à un horaire collectif est
obligatoire (article D 212-21 du code du
travail )
-
les
temps de trajet effectués dans le cadre d'une mission doivent être
comptabilisés comme temps de travail dans la mesure où ils dépassent les temps
de trajets habituels (conformément aux dernières jurisprudences de la cour de
cassation). Ce temps de trajet s'ajoute, bien entendu à la totalité du temps de
travail effectué en mission.
-
le
système d'autodéclaration n'est pas fiable à lui seul
-
les
heures supplémentaires doivent être entièrement récupérées
Seuls ceux qu'ils n'acceptent pas la diminution du temps de
travail ne veulent pas le mesurer.
Les bonnes relations sociales dans une entreprise se construisent et se mesurent et dans le temps. Nous avons laissé la possibilité à la Direction de mettre en application ses bonnes intentions et de nous prouver sa bonne foi.
Nous savons maintenant à quoi nous en tenir…
Châtillon : Pierre Sigety et
Gilles Marcon, Palaiseau :
Béatrice Fromentin et Thierry Ochin, Meudon : François Lambert